LIBÉRATION – La filière du lait passe aux actions

« Alors que la crise du lait se poursuit en France, les producteurs montent au créneau et visent les sociétés transformatrices. En parallèle, des initiatives de consommateurs pourraient donner un peu d’air aux producteurs.

Dans une exploitation laitière bretonne, en août 2016.
Dans une exploitation laitière bretonne, en août 2016. AFP

12/08/2016

Après des récoltes de blé désastreuses, les agriculteurs se font à nouveau entendre pour dénoncer la baisse continue du prix du lait. La situation de l’agriculture française «n’a jamais été aussi grave», alerte Xavier Beulin, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Les pertes devraient atteindre de 4 à 5 milliards d’euros en 2016, selon lui. Les inquiétudes concernent surtout la filière laitière qui est dans le rouge depuis plusieurs mois.

Les producteurs laitiers dénoncent les prix trop bas auxquels les transformateurs leur achètent le lait. Dans le collimateur, Lactalis, premier groupe français et leader mondial de l’industrie laitière. Pour le mois d’août, le groupe français achète le lait «au prix le plus bas de France», dénonce la Fédération nationale des producteurs laitiers (FNPL) : 256 euros pour 1000 litres. Or les producteurs de lait demandent 360 euros pour 1000 litres afin d’assurer la pérennité de leurs exploitations.

Les producteurs l’ont mauvaise, convaincus que du côté des industriels, on se porte plutôt bien : «Lactalis achète régulièrement des entreprises dans le monde. On voit aussi les très bons résultats de Danone», pointe Thierry Roquefeuil, président de la FNPL. Celui-ci accuse Lactalis de «se réfugier derrière un prix européen du lait très bas», insuffisant pour combler les charges et les investissements des agriculteurs. «Même à 28 centimes le litre, on n’y arrive pas. Toutes nos exploitations vont disparaître. Et sans producteurs de lait en France, Lactalis n’existe plus», insiste Thierry Roquefeuil.

 

Pas d’action nationale

Pour le moment, pas de mouvement national, les actions sont menées au niveau local. Mardi en Haute-Saône, les agriculteurs ont lancé une campagne de boycott des produits Lactalis. L’industriel est particulièrement présent dans le département. Sous la pression, tous les supermarchés du département ont retiré les produits des marques Lactalis telles que Président et Caprice des dieux. Seul Casino n’a pas suivi le mouvement. Ce qui lui a valu le déversement de fumier sur le parking de son magasin à Luxueil-les-Bains. En fin de journée, une quarantaine d’agriculteurs ont aussi intercepté un camion Lactalis et l’ont vidé de son lait. Début juin, une action similaire avait été menée. En vain.

La guerre contre Lactalis n’est pas nouvelle. Depuis janvier 2015, les actions coup de poing se multiplient, sans faire céder l’industriel. Dans un communiqué de presse publié le 29 juillet 2016, Lactalis dénonçait «des actions syndicales irresponsables», dans «un contexte de marché laitier durablement dégradé depuis de trop longs mois». Le groupe laitier dénonce aussi de les actions de la FNSEA, des Jeunes Agriculteurs et de la FNPL et souligne que cette stratégie est «contre-productive».

Les présidents de la FNSEA et la FNPL ont adressé une lettre au président de Lactalis, Emmanuel Besnier. Le message : «Arrêtons la guérilla, nous demandons une rencontre», martèle Thierry Roquefeuil. Pour l’instant, la société Lactalis reste muette. En attendant une réponse, les agriculteurs envisagent de nouvelles actions. Las, Thierry Roquefeuil évoque une autre façon de sortir de l’impasse :«Aujourd’hui, quand on voit que les politiques européens et les industriels ne sont pas à l’écoute, on se dit qu’il ne nous reste plus qu’à compter sur les consommateurs.»

 

Initiative pour un prix juste

Côté consommateurs, justement, les choses bougent. Déjà à l’origine de l’initiative les Gueules cassées, qui a permis aux aliments imparfaits d’entrer dans les grandes surfaces à prix réduits, Nicolas Chabanne coordonne le projet La marque du consommateur, qui propose aujourd’hui d’élaborer sa brique de lait idéale. «On dit tout ce qu’on peut faire et combien ça coûte. Et après ce sont les consommateurs qui voient», résume Nicolas Chabanne. Un formulaire en ligne permet de choisir l’origine du lait, la nourriture des bêtes, le mode d’élevage ou encore le contenant du lait… A chaque décision, le prix actualisé du produit s’affiche. Le but de ce cahier des charges interactif : «Participer en amont à la création d’un produit qui raconte une histoire», résume Nicolas Chabanne.

En une semaine, plus de 1000 personnes ont rempli et envoyé le formulaire. «La moyenne des votes deviendra le cahier des charges de la brique de lait», explique Nicolas Chabanne. Traçabilité garantie. Le coordinateur du projet pointe une tendance : tous les critères choisis ne sont pas ceux qui demandent de mettre le prix fort, mais les consommateurs tiennent à une bonne rémunération du producteur. La commercialisation de la brique de lait «qui rend plus intelligent dans l’acte d’achat» est prévue pour octobre et un accord avec un distributeur national serait sur le point d’être conclu. D’autres produits sont aussi à venir. »

Margaux LACROUX

 

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